Ayyyyaaaaa, comment tu parles à mon Zizou ?
Dans mon Sud-Ouest originel, contrée de rugby par excellence, "foutre une bouffe" à un emmerdeur est une tradition qui n'a jamais empêché de picoler ensemble en troisième mi-temps. Dans ma Méditerranée natale, l'engatse est fréquente, la galéjade aussi. Alors évidemment, la violence est condamnable. Évidemment, la paix c'est mieux que la guerre et le soleil c'est mieux que la pluie. Évidemment, le spectacle de deux mecs qui se battent n'a rien de réjouissant (sauf quand "Zizou Bauer" pète les plombs et devient en quelques secondes le mec le plus sexy de la planète :-)
Il y a quelques jours encore, Zinedine Zidane était un Dieu vivant incarnant de pompeuses valeurs nationales et symbolisant les plus grandes qualités humaines ; aujourd'hui, il devient l'auteur d'un "geste idiot" alors qu'il est "milliardaire" (et Socrate est un chat, donc).
Dans Le Monde, un article stigmatise même un Zidane qui, ô scandale, n'a pas transformé son quartier d'origine (la Castellane) en Disneyland. Mais bien sûr : la politique de rénovation urbaine incombe aux footballeurs, c'est bien connu. Un mec y va même de son petit commentaire moralisateur : "Son coup de tête, c'est un vieux reste de la Castellane". Mais bien sûr (bis) : amis employeurs, n'embauchez surtout pas de types issus de ces quartiers, ce sont des animaux, ils vous colleront une châtaigne à la moindre contrariété ! En plus, je trouve ça super prétentieux, de dire que les banlieues détiennent le privilège du crâne habile : les gars, personne ne vous a attendus pour avoir le sang chaud, venez là que je vous montre (mais prévenez-moi suffisamment à l'avance pour que je puisse appeler mon père, mon frère et mes cousins ;-)
On a aussi la version "En tant que modèle pour les enfants des cités, Zizou ne doit pas montrer cet exemple déplorable". Mais bien sûr (ter) : Saint-Zinedine Zidane aurait donc ce pouvoir inouï de résoudre le problème des banlieues ou d'embraser ces dernières dans le chaos le plus total. D'ailleurs, c'est bien simple : depuis la finale de la coupe du monde, la délinquance a augmenté de 143% chez les moins de 20 ans, surtout en coups de tête. On parle même d'une intervention de l'armée et de port obligatoire de casques en mousse, c'est vous dire.
SOS racisme s'en mêle et demande une enquête sur les circonstances de l'expulsion. Un mec s'est filé avec un autre mec sur un terrain de football ? Faisons venir l'avocat Jacques Vergès ! Convoquons un tribunal international ! Condamnons Materazzi à copier 300 fois "Je n'insulterai pas mes adversaires", et Zidane à payer un écran plasma à chaque foyer de la Castellane ! Le monde se réveillera sous un jour nouveau, chaque dictateur sera déchu, Le Pen et Besancenot seront muets, les pauvres n'auront plus jamais froid et on interdira le pâté en tube.
La réaction la plus intéressante vient finalement de Bernard Tapie, fin connaisseur des us et coutumes du "ballon", comme on dit à Marseille : selon lui, Materazzi aurait à coup sûr insulté la mère de Zizou. Moi, ça me fait marrer parce que je me retrouve dans la cour de récré où l'insulte à la mère constitue l'ignominie suprême : "Quoi, quoi, quoi ? T'y as traité ma mère ? Mais moi j'te nique ta bouche, moi !" Quelle que soit la raison de cet incident, il n'y a pas de quoi fouetter un chat : ce n'est pas Hillsborough, ce n'est pas le Heysel. Ce n'est qu'une bagarre et il ne lui a même pas pété le nez (tssss, qui a dit qu'il aurait dû ?).
PS : ne me pendez pas à une cage de football pour ce plaidoyer non-culinaire, parce que je l'aime, moâ, Zizouuu.