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Le confit c'est pas gras
4 juin 2007

Pissaladière post-moderne

pissaladiere1Vous voulez savoir en quoi le velouté de châtaignes aux langues d'oursins est davantage prométhéen qu'héraclitien ? Découvrir le milk-shake de bouillabaisse comme symbole audacieux du post-modernisme en cuisine ? Comprendre en quoi un petit salé virtuel peut devenir un acte politique, ou un banquet exubérant une bataille anticléricale ? Envisager une palombe au Colonnata et aux amandes comme un acrostiche symbolisant l'amour de la contrainte en cuisine oucuipienne ? Débattre avec vos convives, botaniquement et conceptuellement parlant, sur ce qui différencie un fruit d'un légume ? Ricaner benoîtement en comprenant que l'expression "cuisine naturelle" s'apparente à un oxymore ?

Lisez Pourquoi philosopher en cuisinant. Méditations autour de dix* recettes de Lionel Lévy (Aléas, 2007). Marc Rosmini, jeune agrégé de philosophie, y décortique les implications philosophiques de la cuisine avec une gourmandise de saveurs et de savoirs communicative. Bien sûr, quand il m'a gentiment fait parvenir son livre, j'ai failli développer un ulcère du duodénum : depuis la lecture de Kant en classe de terminale, j'aime autant la philosophie que les asperges en conserve, c'est vous dire. Pourtant, non seulement je me suis plongée avec délices dans cet essai original et stimulant, mais j'ai appris qu'en dégustant du Noir de Bigorre, j'étais moi-même kantienne (ironie du sort). En quelques mots, c'est clair, accessible et tout à fait rafraîchissant.

Or, pour participer au jeu d'Elvira, "Saveurs de nos terroirs", j'ai improvisé une pissaladière célébrant mon sud-est natal. Le rapport avec la culino-philosophie ? D'abord cette jolie phrase de Marc Rosmini : "L'histoire de chacun d'entre nous est, largement, une histoire alimentaire". Ensuite, je crois que, comme le milk-shake de bouillabaisse de Lionel Lévy, ma pissaladière est post-moderne, en ce sens qu'elle s'inscrit dans une tradition culinaire bien ancrée tout en la transgressant.
Quand je l'ai préparée, je me suis dit que j'allais sans doute être condamnée à mort, par ingestion d'asperges en conserve, pour ne pas avoir respecté à la lettre la recette traditionnelle de pissaladière niçoise : entre ceux qui méprisent la cuisine ménagère et populaire, ceux qui déblatèrent ou ragotent avec grossièreté sur les blogs de cuisine, et ceux qui prônent la sacro-sainte diversité alimentaire mais ne tolèrent aucune diversité dans les manières de cuisiner, je commence à me dire que la cuisine est finalement, pour beaucoup de monde, une affaire bien austère.
Pourtant, les censeurs et prophètes de la bonne morale culinaire devraient se méfier du terrorisme alimentaire car en ce domaine comme en tant d'autres, on est toujours le malbouffeur ou le Kitchen plouc de quelqu'un. Heureusement, comme je l'écrivais récemment en réponse aux aigreurs d'un pisse-froid malchanceux, la cuisine est avant tout un gai savoir qui résiste à tous les coincés des fourneaux et autres donneurs de leçons de la GGGastronomie. Et même à Kant, CQFD.

* En réalité, seules dix recettes sont de Lionel Lévy. Le chef du restaurant Une table au Sud (Marseille) s'est en effet abstenu, malgré son audace, de préparer lui-même la patte arrière de chien à la menthe.

P.S. : Je signale à celui qui a tapé "Faire des asperges en conserves" dans Google que cette pratique honteuse est strictement prohibée par la loi et passible de six mois de prison ferme.

***

Pissaladière post-moderne

Assiette : Luminarc.

Traditionnellement, la pissaladière se fait, comme son nom l'indique, avec du pissalat, une pâte à base d'alevins de sardines. Oui, mais voilà : le pissalat, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue. Quand j'ai des mélets dans mon réfrigérateur, je prépare une pissaladière martégale (ô sacrilège), mais quand je n'ai ni pissalat, ni mélets, je fais avec les moyens du bord. Ici, j'ai mixé des anchois à l'huile avec de l'ail et des artichauts marinés. Le résultat était moelleux et honorable, pour ne pas dire exquis.

Pour 2 pissaladières

Pâte à pizza

  • 500 g de farine
  • 1 sachets de levure du boulanger déshydratée
  • 1 cc de sel
  • 1 cc de sucre en poudre
  • 300 g d'eau tiède
  • 3 cc d'huile d'olive
  • Thym

Dans un robot ou dans un saladier, mélanger tous les éléments secs, puis ajouter petit à petit l'eau et l'huile. Quand la pâte forme une boule homogène, la recouvrir d'un torchon et la laisser lever à température ambiante (au minimum 1 heure).

Si vous utilisez une pâte à pizza préparée par votre boulanger ou par Herta, pas de panique, vous ne brûlerez pas éternellement en enfer.

Garniture

  • 1,5 kg d'oignons
  • 120 g d'anchois à l'huile d'olive avec leur huile + quelques filets d'anchois réservés
  • 1 gousse d'ail épluchée
  • 4 artichauts marinés à l'huile
  • 2 cuillères à soupe d'huile d'olive
  • 1 poignée d'olives noires, de Nice pour faire authentique

Eplucher et émincer les oignons. Les faire revenir pendant quelques minutes dans une sauteuse, avec de l'huile d'olive, puis les recouvrir d'eau. Saler légèrement, poivrer, couvrir et laisser mijoter à feu doux pendant environ 1 heure, en remuant de temps en temps, jusqu'à ce que l'eau soit évaporée. Les oignons doivent être fondus mais pas bruns.

Pendant ce temps, mixer ensemble les anchois, l'ail, les artichauts et l'huile d'olive.

Au moment de faire cuire les pissaladières, préchauffer le four à 225 °C.
Partager la pâte à pizzas en deux parts égales, les étaler et les tartiner avec la crème d'anchois et d'artichauts. Recouvrir d'oignons fondus, disposer quelques filets d'anchois et des olives noires, puis enfourner pour environ 20 minutes.

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Commentaires
M
J'ai eu la chance d'avoir "ce jeune philosophe", M. Rosmini, en classe de Terminale, l'année dernière, il est aussi un très bon professeur, je n'ai jamais lu ses livres, mais je lit en ce moment sont dernier qui est " Marseille révélée par l'an contemporain" et je vous conseille de courir vous l'acheter !!
C
J'adoooooooooore la pissaladière........ et ta photo me donne envie de morder dans l'écran...... OK, je reste raisonnable.!!!
B
Là tu vas faire craquer ma môman :o)<br /> Pis bon... j'adore ça aussi...<br /> Oserais-je tenter ? On verra ce week-end :o)
A
Tant mieux Valérie, une famille qui mange de la pissaladière est une famille heureuse :)
V
Alors je viens mettre mon grain de sel après la guerre.<br /> J'ai fait ta recette hier soir. Nous n'avions jamais mangé de pissaladière (personne n'est parfait, hein...) mais pâte à pizza, oignons, anchois, artichauts, olives... tout ça me parle... Alors j'ai suivi religieusement ta recette, orthodoxe ou pas, on s'en tamponne à vrai dire, car nous avons ADORE! L'homme proférait des sons "hummmm... mmmmmm, achement bon... Mmmmm première fois q't'en fais, hein... Hummmm". Même les filles (anti oignons et anchois à la base...C'était pas gagné) ont tout dévoré.<br /> Donc accepte ici ma reconnaissance éternelle pour cette recette que je te pique sans vergogne et que je referai très souvent!
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